Retraits des Forces Barkhane et Takuba du Mali: Redistribution des Cartes géopolitiques dans le Sahel et perspectives pour l’Afrique de l’Ouest

Dans un discours diplomatique assez claire, la France et l’Europe décident fermement de quitter le Mali dans un délai relativement court pour certains analystes. Cette conférence de presse qui permet de porter la nouvelle à la communauté internationale et le reste du monde connait la présence des présidents Macky Sall et Nana Akouffo Addo témoigne de l’intérêt que porte l’Union Africaine et la CEDEAO à l’enjeu sécuritaire dans le Sahel et progressivement dans le Golfe de Guinée. Il se dessine une redistribution des cartes géostratégiques et des perspectives géostratégiques pour l’Afrique de l’Ouest.

Une redistribution Géostratégique/Géopolitique

La dynamique géopolitique existant au Mali et dans le Sahel met en exergue des acteurs majeurs de la scène internationale qui se livrent déjà une confrontation géostratégique en Europe autour de la question de l’Ukraine: l’Europe sous la directive de la France versus la Russie. La grande différence est bel et bien le caractère peu officiel de la présence et de l’influence de la Russie dans le Sahel et particulièrement au Mali. De ce point de vue, le retrait de Barkhane et de Takuba du Mali ouvre la porte au partenariat avec d’autres acteurs de la scène internationale, ,en tête de Peloton la Russie et la Chine, les 2 nations qui n’ont pas manqué de clarifier leur position en faisant échec à l’initiative des sanctions contre le Mali au conseil de sécurité des nations unies. Il est important de souligner que le Mali à montrer un intérêt particulier pour la Russie et certains pays africains comme l’Algérie ,et la Guinée pour ne citer que ceux là. La situation géopolitique est assez délicate, laissant ainsi une grande marge de manœuvre au Mali. Il revient donc à chaque acteur majeur de trouver la meilleure formule pour tirer le maximum profit de cette situation car la France à toujours des intérêts au Mali, et le Mali a l’opportunité de redéfinir les termes de sa collaboration avec une kyrielle de partenaires, y compris la France et la Russie. Il importe donc de confier les négociations à des acteurs politiques et diplomates qui connaissent correctement les aspirations du peuple malien et suffisamment outillés pour les défendre.

Perspectives pour l’Afrique de l’Ouest: Division ou union?

L’Afrique de l’Ouest se retrouve face à deux alternatives: renforcer les liens des peuples et des pays membres de la CEDEAO, ou suivre ses intérêts et faire des choix de coopération selon leur proximité avec chaque acteur majeur de la scène internationale. Ainsi, nous pouvons constater que l’option qui semble embrassée jusqu’à ce jour semble être la poursuite des intérêts divergents de tout un chacun: la CEDEAO et l’union africaine semblent avoir fait l’option de privilégier le partenariat avec la France et l’Union Européenne pendant que le Mali se tourne vers la Russie, la Chine et d’autres acteurs de la scène internationale régionale. Il est envisageable de voir cette dynamique prendre de l’ampleur et conduire à une redéfinition profonde de la géopolitique de l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’à la redéfinition des priorités sur le plan de la gouvernance par la CEDEAO dans une perspective de développement.

One thought on “Retraits des Forces Barkhane et Takuba du Mali: Redistribution des Cartes géopolitiques dans le Sahel et perspectives pour l’Afrique de l’Ouest

  1. Michel CAMPOS

    La décision unilatérale de la France et de ses partenaires européens et américains de quitter le Mali, loin d’être une décision de représailles face à la montée des tensions diplomatiques entre Paris et Bamako, semble plutôt apparaitre comme une occasion saisie par les occidentaux, notamment la France pour se retirer de ce qui serait pour ne pas dire, de ce qui était déjà en train de devenir un bourbier pour ces pays. Il est inutile à cet égard de rappeler les exemples de l’Irak, de l’Afghanistan.
    A ce sujet, le changement, ces dernières années, de la stratégie française d’occupation du terrain est assez édifiant et illustrait bien un désengagement progressif qui ne disait pas son nom, en clair une volonté de partir.
    Cependant, cette analyse semble être contredite par la décision du redéploiement des forces occidentales dans les pays voisins du Mali. Mais il n’en est rien. Ce choix politique de la France illustre plutôt ce qu’il convient de qualifier d’ambiguïté stratégique de la France. Le dilemme entre rester ou partir.
    A cet effet, on peut réellement s’interroger sur la stratégie française dans la région du Sahel.
    Quels sont les objectifs aussi bien politiques que militaires de la présence française dans le Sahel ? Il s’agit d’une question fondamentale car l’appréciation des résultats ne peut se faire qu’au regard des objectifs de départ. En effet, en matière de guerre, la différence entre la réussite et l’échec s’apprécie à l’aune des objectifs fixés. On peut ainsi gagner des batailles sans gagner la guerre.
    D’un autre côté, on peut se poser la question de savoir si ce redéploiement militaire qui inévitablement redistribue les cartes géopolitiques et géostratégiques de la lutte contre le terrorisme, mais aussi celles de la menace terroriste, a suffisamment pris en compte les aspirations des peuples des pays concernés, considérant l’hostilité croissante des populations vis-à-vis de la présence et de la politique française en Afrique.
    De même, comment est-il possible de mener cette guerre en mettant de côté un pays aussi stratégique que le Mali ? A ce propos, il est important de mettre en perspective le poids géographique du Mali dans la région. En effet, le Mali, pays enclavé et deuxième plus vaste Etat d’Afrique de l’Ouest après le Niger, partage des frontières communes avec pas moins de sept pays : la Mauritanie, l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal. Ce qui constitue donc une donnée essentielle qu’il faut absolument prendre en compte quand on sait la capacité de prolifération et de dissémination des groupes terroristes. Comment les opérations militaires anti-terroristes pourraient être menées avec succès contre des groupes transfrontaliers si les Etats ne peuvent plus coopérer avec le Mali, qui en raison du contexte actuel de tensions ne permettrait aucune intrusion de forces étrangères, même africaines sur son territoire. Il s’agirait là indiscutablement d’une erreur stratégique. Ce qui pose la question de la pertinence du redéploiement annoncé.
    Par ailleurs, la démesure de la mission (champs de bataille allant de l’Atlantique à la mer rouge en passant par le Mozambique, la République Démocratique du Congo, etc. ; présence de près de 15.000 combattant islamistes, ce qui en fait la première force djihadiste au monde) implique une stratégie globale qui puisse intégrer tous les acteurs et surtout les premiers concernés, c’est-à-dire les africains.
    Pour finir, il est évident que les perspectives actuelles sont à la désunion. Et cette désunion est d’autant plus préoccupante qu’elle touche les premiers concernés, les africains, ce qui risque, sans conteste, d’avoir une incidence sur la lutte contre le terrorisme dans le Sahel.
    Après ce redéploiement, il importe donc de redéfinir les stratégies de lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest et d’orienter les actions vers plus de synergie entre les différents acteurs. A ce propos, la CEDEAO pourrait « enfin » jouer le rôle qui est le sien en étant plus à l’écoute des préoccupations des peuples africains, plutôt que de suivre des agendas internationaux, bien souvent occidentaux qui ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins et urgences réels.

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